Grossesse
Photo of author

Faire une GPA le cœur sur la main : l’altruisme des mères porteuses au service de la réconciliation familiale

La gestation pour autrui suscite des débats passionnés qui traversent les frontières et questionnent nos valeurs les plus profondes. Entre l'espoir des couples infertiles et les préoccupations éthiques concernant l'exploitation des femmes, cette pratique cristallise des positions souvent irréconciliables. Au cœur de cette controverse se trouve une réalité humaine complexe, incarnée par des femmes qui choisissent de porter un enfant pour d'autres, animées par des motivations diverses qui méritent d'être comprises sans jugement hâtif.

Les motivations altruistes derrière l'engagement des mères porteuses

Un geste de générosité pour aider les couples infertiles

Les femmes qui s'engagent dans une GPA altruiste le font généralement guidées par un profond désir d'aider des familles à se constituer. Ashley Mareko, responsable du suivi des femmes porteuses chez GPA USA, témoigne de son parcours personnel qui illustre parfaitement cette dimension humaine. Ayant elle-même connu des problèmes d'infertilité secondaire après avoir eu trois enfants, elle a développé une empathie particulière pour les couples confrontés à l'impossibilité de concevoir. Cette expérience personnelle l'a conduite à devenir mère porteuse à trois reprises, transformant sa propre souffrance en source de générosité.

Son engagement témoigne d'une volonté sincère d'offrir à d'autres ce qu'elle avait elle-même pu vivre : la joie de la parentalité. Sa première expérience s'est déroulée pour une famille chinoise, répondant à son souhait d'aider un couple de parents internationaux. Cette famille a d'ailleurs fait de nouveau appel à elle pour un deuxième enfant, signe de la confiance établie. Son dévouement s'est manifesté jusqu'à tirer son lait maternel pour le bébé et accompagner la famille en Chine, illustrant l'intensité de son engagement.

Le parcours émotionnel et psychologique des porteuses volontaires

L'expérience d'une mère porteuse ne se résume pas à un simple processus biologique. Elle implique un investissement émotionnel considérable et une capacité à gérer des relations complexes avec les parents d'intention. Ashley Mareko insiste particulièrement sur l'importance d'entreprendre cette démarche avec le désir sincère d'aider une famille à s'agrandir, sans nécessairement attendre une amitié durable en retour. Cette maturité émotionnelle permet d'éviter les déceptions et de maintenir le focus sur l'objectif principal.

Sa troisième GPA a d'ailleurs été marquée par une relation plus distante avec les parents d'intention, une situation qu'elle a gérée en priorisant le bien-être du bébé. Cette expérience révèle la complexité émotionnelle de la gestation pour autrui et la nécessité pour les porteuses de développer une résilience psychologique particulière. Un moment crucial dans ce processus est la rencontre entre les parents et le bébé, un instant qui permet aux mères porteuses de clôturer leur engagement et de tourner la page sereinement.

Sa troisième expérience concernait une famille ne disposant que d'un seul embryon, une situation délicate rendant difficile la recherche d'une mère porteuse volontaire. Son acceptation de ce défi illustre la dimension profondément altruiste de certaines démarches, où le risque médical et émotionnel est accepté au nom d'un projet parental qui semblait compromis.

Le cadre juridique français et les réalités de la gestation pour autrui

L'interdiction de la GPA en France et ses conséquences

En France, la gestation pour autrui demeure strictement interdite, qu'elle soit rémunérée ou altruiste. Cette position législative repose sur plusieurs principes fondamentaux du droit français, notamment l'indisponibilité du corps humain et la non-patrimonialité de l'état des personnes. Cette interdiction absolue place la France parmi les pays européens les plus restrictifs en la matière, aux côtés de l'Allemagne et de l'Italie.

Cette prohibition totale a pour conséquence directe d'orienter les couples français désireux de recourir à une GPA vers des destinations étrangères. Les États-Unis, le Canada, l'Ukraine avant le conflit, ou encore la Grèce figurent parmi les destinations privilégiées. Cette situation crée une forme de tourisme procréatif qui soulève des questions éthiques et pratiques, notamment concernant la reconnaissance de la filiation des enfants nés à l'étranger.

L'interdiction française s'inscrit dans une volonté de protéger les femmes contre une potentielle exploitation de leur corps et de préserver l'ordre public. Toutefois, cette position législative ne résout pas la détresse des couples infertiles qui se tournent vers des juridictions plus permissives, créant ainsi un vide juridique complexe à gérer pour les autorités françaises.

Les solutions à l'étranger et la question de la filiation des enfants

Le recours à la GPA à l'étranger implique des démarches complexes et coûteuses pour les parents d'intention français. Au Canada par exemple, bien que la GPA altruiste soit autorisée, le coût minimal d'une procédure s'élève à quarante mille dollars et peut atteindre cent mille dollars selon les situations. Ces montants incluent les frais médicaux, juridiques et les dédommagements autorisés pour la mère porteuse, ainsi que la rémunération des nombreux intermédiaires qui interviennent dans le processus.

La question de la filiation constitue un défi juridique majeur pour les parents français ayant eu recours à une GPA à l'étranger. Pendant longtemps, la France refusait systématiquement de reconnaître la filiation établie à l'étranger, plaçant les enfants dans une situation de vide juridique préjudiciable. Les décisions de la Cour européenne des droits de l'homme ont progressivement fait évoluer cette position, contraignant la France à reconnaître au moins la filiation paternelle lorsqu'il existe un lien biologique.

Cette évolution jurisprudentielle témoigne de la tension entre les principes éthiques qui fondent l'interdiction de la GPA en France et l'intérêt supérieur de l'enfant, qui ne peut être tenu responsable des conditions de sa conception. Les couples se trouvent ainsi confrontés à un parcours juridique long et incertain pour faire reconnaître leur lien de filiation avec l'enfant né par GPA à l'étranger.

Les arguments du débat éthique et social autour de la GPA

La marchandisation du corps féminin : une préoccupation légitime

Les opposants à la gestation pour autrui dénoncent unanimement ce qu'ils considèrent comme une marchandisation inacceptable du corps des femmes. Diane Guilbault, présidente de l'association Pour les droits des femmes du Québec, formule une critique virulente de la GPA, même dans sa version dite altruiste. Selon elle, cette pratique transforme le corps féminin en marchandise et participe à une industrie mondiale lucrative qui exploite principalement les femmes les plus vulnérables économiquement.

Cette critique souligne que même lorsque la GPA est présentée comme altruiste, elle s'inscrit dans un système où de nombreux intermédiaires tirent profit financièrement de l'arrangement. Avocats, médecins, agences spécialisées et cliniques de fertilité constituent une véritable industrie reproductive qui génère des revenus considérables. Au Canada, malgré l'interdiction théorique de rémunérer les mères porteuses, un projet de loi récent visait à autoriser leur rémunération totale, confirmant les craintes d'une dérive commerciale.

Les défenseurs de cette position appellent à une intervention internationale pour interdire la GPA, s'appuyant notamment sur la Convention internationale contre toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes. Ils estiment que la pratique de la GPA, quelle que soit sa forme, constitue une exploitation contraire aux droits fondamentaux des femmes et perpétue des inégalités structurelles basées sur la vulnérabilité économique.

La GPA altruiste comme solution aux projets parentaux légitimes

Face à ces critiques, les partisans de la GPA altruiste mettent en avant la légitimité du désir d'enfant et la générosité authentique de certaines femmes qui choisissent librement de devenir mères porteuses. Ils soulignent que l'interdiction totale ne fait pas disparaître la demande mais la déplace vers des juridictions moins réglementées, exposant parfois les mères porteuses à des conditions moins protectrices.

L'exemple d'Ashley Mareko illustre comment certaines femmes trouvent un sens profond dans l'acte de porter un enfant pour autrui. Son témoignage révèle une satisfaction personnelle tirée de l'aide apportée à des couples qui ne pourraient autrement connaître la parentalité. Cette dimension humaine ne peut être totalement ignorée dans le débat, même si elle ne résout pas les questions éthiques structurelles soulevées par la pratique.

Les défenseurs d'un encadrement juridique strict de la GPA altruiste proposent des garde-fous pour prévenir les dérives commerciales tout en permettant aux couples infertiles d'accéder à la parentalité. Ils suggèrent des protocoles rigoureux incluant un accompagnement psychologique obligatoire, des limites au nombre de GPA par femme, et une interdiction totale de toute rémunération au-delà du remboursement des frais médicaux strictement nécessaires.

Le débat autour de la gestation pour autrui reste donc profondément polarisé, opposant le droit à la parentalité et l'autonomie reproductive des individus aux préoccupations légitimes concernant l'exploitation des femmes et la marchandisation du vivant. Entre ces positions apparemment irréconciliables, la question centrale demeure celle de savoir si un encadrement juridique éthique de la GPA altruiste est possible ou si toute forme de gestation pour autrui constitue nécessairement une atteinte à la dignité humaine.

Laisser un commentaire